La fiscalité des marchands de biens constitue un domaine singulier du droit immobilier et fiscal. Toute personne qui envisage d’investir dans l’achat-revente doit maîtriser les règles spécifiques applicables en matière de droits d’enregistrement, de TVA et d’imposition des bénéfices. En l’absence de stratégie juridique et fiscale adaptée, une opération rentable sur le papier peut rapidement se transformer en difficulté financière.

L’objectif ici est d’exposer les principaux mécanismes fiscaux applicables aux marchands de biens et de mettre en lumière les points de vigilance indispensables pour sécuriser vos projets.

 

Qu’est-ce qu’un marchand de biens ?

Le marchand de biens est un professionnel dont l’activité consiste à acquérir des immeubles, terrains, parts de sociétés immobilières ou fonds de commerce, pour ensuite les revendre avec l’objectif de générer une plus-value rapide.

Il n’existe pas de statut juridique spécifique de marchand de biens. C’est l’administration fiscale qui qualifie une personne comme telle lorsqu’elle constate deux critères cumulatifs :

  • Une activité habituelle d’achat-revente : l’opération ne doit pas être isolée, mais répétée, selon un volume et une régularité significatifs.
  • Une intention spéculative : l’achat est réalisé dans le but de revendre à court terme avec profit.

Cette qualification entraîne un basculement vers un régime fiscal dérogatoire, distinct de celui des simples particuliers investisseurs.

 

L’imposition des bénéfices des marchands de biens

Les profits issus de l’activité relèvent des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Contrairement au régime des particuliers qui sont taxés opération par opération (régime des plus-values immobilières), le marchand de biens est imposé sur le bénéfice global de son exercice comptable.

Deux grands régimes coexistent selon la structure choisie :

  • Entreprise individuelle ou société de personnes (EURL, SNC, etc.) : le bénéfice est imposé directement entre les mains de l’exploitant, à l’impôt sur le revenu, selon le barème progressif, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux (17,2 %).
  • Sociétés de capitaux (SARL, SAS, SASU) : l’imposition se fait à l’impôt sur les sociétés (IS). Le taux est réduit à 15 % jusqu’à 42 500 € de bénéfices et passe ensuite à 25 % au-delà.

Ce choix structurel n’est pas neutre : il doit être analysé en fonction de la rentabilité prévisionnelle des opérations et du profil fiscal de l’investisseur.

 

Les droits de mutation et le régime dérogatoire

L’un des avantages fiscaux notables réside dans la réduction des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière. Alors que les particuliers supportent des frais avoisinant 7 à 8 % dans l’ancien, le marchand de biens peut bénéficier d’une exonération conditionnelle prévue par le Code général des impôts.

Parmi les hypothèses les plus courantes :

  • Engagement de revente du bien dans les 5 ans suivant son acquisition (article 1115 CGI).
  • Engagement de réaliser des travaux lourds dans les 4 ans (article 1594-0 G CGI).
  • Acquisition de terrains en vue de construire, dans une limite de superficie fixée par le législateur.
  • Acquisition dans certaines zones d’aménagement prioritaires.

Attention toutefois : l’engagement doit être clairement stipulé dans l’acte notarié, faute de quoi l’avantage fiscal est remis en cause par l’administration.

 

TVA et opérations immobilières des marchands de biens

La TVA immobilière représente sans doute l’aspect le plus technique et le plus sensible de la fiscalité des marchands de biens.

Deux cas de figure se présentent :

  1. Revente de locaux professionnels : le régime de TVA est neutre pour l’acquéreur assujetti, qui récupère la taxe facturée.
  2. Revente de logements d’habitation : en principe, l’opération est hors champ de TVA, sauf option particulière ou travaux lourds transformant le bien en immeuble neuf.

Le régime applicable dépend de la qualification des travaux :

  • Rénovation légère : absence de TVA obligatoire ; possibilité d’opter pour la TVA sur marge, mais sans véritable intérêt fiscal.
  • Rénovation lourde : le bien est assimilé à un immeuble neuf ; la TVA s’applique sur le prix total de vente, sans possibilité de se limiter à la marge.

La distinction entre rénovation légère et lourde repose sur des critères techniques précis (fondations, façades, éléments porteurs, second œuvre). Toute erreur de qualification expose l’investisseur à un redressement fiscal particulièrement coûteux.

 

La TVA sur marge : un régime d’exception

La TVA sur marge s’applique uniquement lorsque deux conditions sont réunies :

  • Le bien a été acquis sans TVA, par exemple auprès d’un particulier.
  • Le bien revendu est identique sur le plan juridique à celui acquis (principe d’identité juridique).

Ainsi, si un terrain à bâtir est acheté auprès d’un particulier, puis revendu après division parcellaire, la TVA pourra être calculée uniquement sur la marge réalisée. En revanche, si un immeuble est acquis et transformé substantiellement avant revente, le régime de faveur ne s’applique pas.

La vigilance est donc de mise : un simple changement de qualification par l’administration peut entraîner une imposition sur le prix total, avec un impact considérable sur la rentabilité de l’opération.

 

L’accompagnement juridique et fiscal : une nécessité

La fiscalité des marchands de biens est marquée par des régimes dérogatoires, des conditions strictes et une jurisprudence évolutive. Une erreur dans le choix de la structure, dans la qualification des travaux ou dans la rédaction d’un acte notarié peut entraîner la perte d’un avantage fiscal ou un redressement de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Seul un accompagnement par un avocat fiscaliste en droit immobilier permet de sécuriser vos investissements, d’optimiser la charge fiscale et d’anticiper les risques de contrôle.

 

Le mot de la fin sur la fiscalité des marchands de biens

L’activité de marchand de biens offre de réelles opportunités de rentabilité, mais elle est encadrée par une fiscalité complexe où chaque décision à des conséquences juridiques et financières.

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